31 juillet 2014

Vu du Tarn: de Jaurès à Garaudy


31 juillet 1914: l'assassinat de Jean Jaurès
25 mai 1913: Meeting du Pré Saint-Gervais


Agrégé de philosophie, Roger Garaudy est nommé en 1936 professeur au lycée d'Albi, où il occupe le poste qui avait été celui de Jean Jaurès cinquante ans auparavant à partir de 1881.

Jaurès avait été élu député du Tarn en 1885, Garaudy est élu en qualité de représentant du Tarn, sur la liste communiste où il figure en première position à la première Assemblée nationale Constituante, le 21 octobre 1945.
Il est réélu à la seconde Assemblée nationale Constituante, le 2 juin 1946 et à la première Assemblée nationale le 10 novembre 1946.
Dans le cadre de son mandat (jusqu'en 1951), il organise en 1947 la relance de la Verrerie ouvrière d’Albi créée par Jean Jaurès en 1896. Dans "Mon tour du siècle en solitaire" il raconte cette expérience de "responsable communiste" et de "communiste responsable", en voici un extrait (pages 110-111):



 En 1948, comme Jaurès l'avait fait en 1892, Roger Garaudy soutient les mineurs de Carmaux durant leur grève (lire son intervention à l'Assemblée Nationale: http://rogergaraudy.blogspot.fr/2011/09/greves-minieres-dhier-et-daujourdhui.html).

Témoignage de Claude Desguioz sur Roger et Paulette Garaudy dans le Tarn: http://rogergaraudy.blogspot.fr/2012/10/un-esprit-de-resistance-temoignage-de.html

28 juillet 2014

Saint-Brice-sous-Forêt: la maison de Paul Eluard transformée en parking ?

LE FIGARO  -Par - Le père du surréalisme y vécut de 1920 à 1923. Ce pavillon modeste fut le cadre du célèbre tableau Au rendez-vous des amis peint par Max Ernst. La mairie juge la rénovation trop coûteuse.

C'est une modeste maison de banlieue, de 50 m2 à peine, qui paraît délabrée à la vue des volets mangés par la rouille. Mais elle a été traversée par le vent de l'histoire. Dans la petite ville de Saint-Brice-sous-Forêt, une commune du Val-d'Oise composée de 18. 000 âmes, est passé un certain Paul Éluard. Le père du surréalisme a vécu dans la maison en question. Son père, Eugène Grindel, l'avait acquise. L'auteur de La Courbe de tes yeux, avait déjà une certaine notoriété en poésie quand il s'y installa avec sa femme, Gala, et leur fille, Cécile, de la fin de l'année 1920 à l'automne 1923.
Partout ailleurs, et pour la seule raison qu'elle ait été habitée par l'un des plus grands écrivains français, une telle maison aurait fait l'objet d'attention, elle aurait peut-être même été transformée en musée… D'ailleurs, on y avait pensé, puisqu'une plaque avait été apposée l'année dernière: «Maison Paul Éluard. Monsieur Alain Lorand, maire de Saint-Brice-sous-Forêt et son équipe ont le plaisir de vous informer que cette maison sera rénovée et deviendra la Maison du patrimoine.»

Un parking baptisé… Paul Éluard!

Mais voilà, à la fin du mois de juin 2014, le conseil municipal a voté une délibération qui vise à la démolition de cette maison. Il est question d'en faire un parking. Cette information nous est donnée par Monique Borde-Germain, présidente de l'association des Amis du vieux Saint-Brice, qui se bat pour éviter cette catastrophe. Contactée par Le Figaro, la mairie a confirmé ce projet de démolition. Raison invoquée: crise oblige, il est hors de question d'investir ce lieu, cela coûterait trop cher aussi bien en rénovation qu'en gestion d'un éventuel musée. Le conseil municipal a bien cédé sur un point: le parking sera baptisé Paul Éluard! On entend même dans les couloirs dire que, finalement, cette maison n'a aucune valeur.
Aucune valeur? Sur le plan architectural, peut-être. Mais un peu d'histoire littéraire s'impose, s'insurge Monique Borde-Germain. Et de raconter: «C'est dans cette maison qu'Éluard et Ernst produisirent Répétitions et Les Malheurs des Immortels», rappelle-t-elle. D'ailleurs, elle est située dans une zone protégée par les Bâtiments de France. Mieux: ses murs respirent l'art et le talent. Elle a été le cadre d'un des plus grands tableaux de la peinture, symbole de la «révolution surréaliste», Au rendez-vous des Amis, peint par Max Ernst le 5 décembre 1922, où se réunissaient André Breton, René Crevel, Robert Desnos, Max Morise, Georges Ribemont-Dessaignes, Jean Paulhan, Benjamin Péret, Philippe Soupault, Roger Vitrac, Jacques Rigaut, Jean Arp, Louis Aragon et Francis Picabia.
Monique Borde-Germain ajoute un autre fait historique: le peintre Max Ernst, ancien combattant allemand de la Grande Guerre, arrivé de Cologne avec les papiers d'Éluard, y résida de 1922 à 1923, avant son déménagement vers Eaubonne.
Aujourd'hui, il semble bien que cette maison est vouée à la disparition. La mairie comme l'association campent sur leur position. Cela pourrait se terminer devant un tribunal. Espérons que la petite ville de Saint-Brice-sous-Forêt ne se transforme pas en Capitale de la douleur.

27 juillet 2014

Etre et avoir

Tout avoir qui n'est pas l'être, court le risque d'être placé au-dessus de l'être de l'homme et de devenir idole, c'est-à-dire abomination, crime contre l'Esprit. Crime de lèse-humanité où l'homme idolâtre porte la livrée de l'illusion et de la contre-nature; où la chose inerte prime et utilise mentalement son soi disant propriétaire.

Idolâtrie qui dégrade son coupable en victime principale de son propre forfait inconscient. Car l'idolâtrie est avant tout, blasphème contre l'humanité. Et, dans le macabre de cette déchéance, s'installe le règne des néants errants accoutrés d'évidence, habillés d'apparence, singeant excentriquement la vie!

Rien n'est plus mortel que le règne des esclaves des choses, car là, c'est l'avoir qui phagocyte l'être; c'est la promesse d'élévation qu'est l'homme, promesse de monde qu'est l'humain - sachant que le monde est l'interprétation et l'action de l'homme ajoutée à l'univers - qui se corrompt en charnier d'humanité et honte cosmique. 

25 juillet 2014

Un seul Etat pour la Palestine !

28 février 2012


Depuis 63 ans, date de la Résolution 181 de l’ONU, les Palestiniens vivent dans la terreur et la peur. Pendant la Nakba qui, en 1948, a suivi le partage prévu dans cette Résolution, Israël a conquis 78% de la Palestine et expulsé la majorité de la population, plus de 750 000 personnes, de leurs foyers, villes et villages. Israël a aussi fait de ceux qui sont restés - et qui depuis sont toujours sous son autorité – des citoyens de seconde classe tout en faisant aussi des discriminations à l’encontre des Juifs arabes (mizrahis et sépharades) dans ce qui s’est défini comme un Etat juif. Un Etat qui n’est pas celui de tous ses citoyens alors qu’aujourd’hui au moins 20% des Israéliens ne sont pas juifs. Les réfugiés palestiniens n’ont jamais été autorisés à rentrer chez eux en dépit de la Résolution 194 de l’ONU de décembre 1948 et des innombrables Résolutions confirmant leur droit au retour qui ont suivi depuis. Aujourd’hui plus de 6 millions de Palestiniens et leurs descendants forment la troisième génération de réfugiés.
En 1967, ce qui restait de la Palestine historique a été occupé par Israël. Chaque Palestinien des Territoires occupés de Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza a perdu ses droits humains et politiques dans l’occupation brutale dirigée par les militaires et les colons. Par la suite, Israël a suivi une stratégie en violation avec le droit international et la 4e Convention de Genève d’implantation rapide de Juifs israéliens dans ces territoires nouvellement conquis, expulsant et dépossédant encore davantage les Palestiniens.
Israël a continué à ignorer toutes les nouvelles résolutions de l’ONU exigeant son retrait des Territoires occupés et a continué à construire des colonies illégales, des routes réservées et des zones militaires. Il a continué à réprimer brutalement et à déposséder la population palestinienne sous son régime martial. Sur le plan international, Israël a organisé des lobbies puissants qui ont cherché à réduire au silence les voix de la raison parmi les Juifs du monde. A l’intérieur de ses frontières, il a bâti une société fortement militarisée, armée jusqu’aux dents de matériels de destruction massive, ce qui produit en Palestine-Israël une situation extrêmement volatile et dangereuse, non seulement pour les Palestiniens mais aussi pour les Juifs israéliens.
Les Accords d’Oslo de 1993, résultats de négociations secrètes entre Israël et l’OLP, ont posé les bases d’un accord aux termes duquel 22% de la Palestine historique, aux frontières définies par les lignes de cessez-le feu de 1949, devraient théoriquement être rendus à un gouvernement Palestinien. Ce compromis a été systématiquement violé par Israël qui a continué depuis à confisquer plus de terre, à construire plus de colonies et à tuer plus de Palestiniens. Il est clair depuis le début qu’Israël n’a aucune intention de démanteler ses colonies ou de retirer son armée de Cisjordanie ou de Jérusalem-Est – en fait, le nombre de ses colons vivant illégalement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est a triplé depuis la signature des Accords d’Oslo, rendant ainsi complètement irréaliste la solution à deux Etats. Par ailleurs, les politiques actuelles du Quartette vont de fait dans ce même sens : financer l’occupation (et non la terminer).
La solution à deux Etats n’a jamais été réaliste ou loyale : elle a nié toute justice pour la plupart des Palestiniens. Mais même cette "solution" injuste a été systématiquement sapée par Israël par plus de vols de terre et plus de colons dans l’Etat prévu pour les Palestiniens. Israël s’est assuré que la solution à deux Etats basée sur les "frontières" de 1967 ne puisse jamais devenir une réalité ; la plupart des Palestiniens et beaucoup d’Israéliens l’ont reconnu depuis de nombreuses années. Ils ont souhaité à la place une autre solution, une solution basée sur la justice et la non-séparation, une solution qui mettrait fin au traumatisme et à la souffrance des réfugiés palestiniens, une solution qui mettrait un terme au système militaro-colonial et à la domination du sionisme, une solution enfin qui traiterait tous les citoyens, résidents et "absents", également et justement. Cette solution c’est l’Etat unique, démocratique, non sectaire et laïque (la religion étant séparée de l’Etat) pour toute la Palestine historique : UN ETAT POUR TOUS SES CITOYENS.
Un groupe de Palestiniens et d’Israéliens a travaillé sur les bases de cette vision de l’Etat unique et sur les principes fondateurs d’une République dans la Palestine historique. Ils ont imaginé la route vers la paix, la réconciliation, l’égalité et la coexistence dans un Etat démocratique, un Etat qui mettrait fin à l’occupation illégale et aux pratiques racistes et séparatistes de l’apartheid sioniste. Le document présenté sur le site (en arabe ou en hébreu) ébauche les fondations pour une future constitution de la République de Palestine.

Signataires
Palestiniens et Israéliens :
  1. Dr Oren Ben-Dor, University of Southampton, Southampton
  2. Prof. George Bisharat, UC Hastings College of the Law, San Francisco 
  3. Prof. Haim Bresheeth, University of East London, London
  4. Dr Ghada Karmi, European Centre for Palestine Studies, Exeter University, Exeter
  5. Mr Sami Jamil Jadallah, International business consultant, Fairfax, VA
  6. Prof. Nur Masalha, SOAS, University of London, London
  7. Prof. Mazin Qumsiyeh, University Bethlehem, Bethlehem 
  8. Dr Alma Abdul-Hadi Jadallah, George Mason University, Fairfax, VA 
  9. Dr. Samir Abed-Rabbo, Professor of Government and Director of the Center for Advanced International Studies, Dallas, Texas
  10. Ms Susan Abulhawa, Novelist and Founder of Playgrounds for Palestine
  11. Mr Ali Abunimah, Journalist and Co-founder of Electronic Intifada, Chicago
  12. Dr Suleiman Abu Sharkh, Southampton University, Southampton
  13. Prof. Naseer Aruri, Chancellor Professor (emeritus), University of Massachusetts at Dartmouth
  14. Dr Ariella Azoulaiy Photo-Lexic, MInerva Humanities Centre, Tel Aviv University
  15. Mr Ramzy Baroud, Editor of PalestineChronicle.com
  16. Ms Diana Buttu, Palestinian-Canadian lawyer and former spokesperson with the PLO
  17. Mr Eitan Bronstien, Founder and Member of Israeli organisation Zochrot, Tel Aviv
  18. Mr Nazek Dhamra, Novelist, North Carolina 
  19. Prof. Leila Farsakh, University of Massachusetts, Boston
  20. Dr Hatim Kanaaneh, Public Health specialist and author, Galilee
  21. Mr John Hanna Karkar QC, Barrister, Melbourne
  22. Dr Ronit Lentin, Trinity College, Dublin 
  23. Prof. Yosefa Loshitzky, University of East London, London
  24. Prof. Saree Makdisi, University of California, Los Angeles
  25. Mr Nick Marouf, Editor of Ramallah Online
  26. Mr Maher Medoukh, Gen. Manager, Al-Mwasafat Factories & Equipments Trading, Gaza/Sharjah
  27. Ms Norma Musih, Teacher and Member of Zochrot, Jaffa
  28. Dr Dorothy Naor, a Ph.D in Education, an Israeli feminist and activist with New Profile, Hertzliya
  29. Prof. Ilan Pappe, European Centre for Palestine Studies, Exeter University, Exeter
  30. Prof. Gabriel Piterberg, University of California, Los Angeles 
  31. Mr. Haitham Sabbah, Editor of Sabbah Report and Palestine Blogs, Manama, Bahrain
  32. Prof. Michel Khleifi, Bruslles, Belgium
  33. Dr. Magid Shihade, Birzeit University, Palestine
  34. Dr. Ruchama Marton, Founder and Chair of Physicians for Human Rights (PHR), Tel Aviv, Israel
  35. Prof. Nurit Peled-Elhanan, 2001 laureate of the EU Parliament Sakharov Prize for human rights. Co-initiator of the Russell Tribunal on Palestine 2009, Israel
  36.  Noa Shaindlinger, PhD Candidate, University of Toronto
  37.  Ms Rosamine Hayeem, London, UK
  38.  Dr. Asaf Kedar, Board Member at Zochrot, Tel Aviv, Israel
  39.  Dr. Yeal Korin, University of California, Los Angeles, US
  40.  Ms. Yael Rone, Beer Sheva, Israel
Soutiens Internationaux :
  1. Mr Tariq Ali, Historian and Filmmaker, London, UK
  2. Prof. Lawrence Davidson, West Chester University, West Chester, USA 
  3. Prof. James Bowen, University College Cork, Cork, Ireland
  4. Prof. Emilios Christodoulidis, University of Glasgow, Glasgow, UK
  5.  Mr Keith Hammond, University of Glasgow, Glasgow, UK
  6. Prof. Caroline Rooney, University of Kent, UK
  7.  Prof. Mona Baker, University of Manchester, UK
  8.  Prof. Michael Chanan, Roehampton University, London
  9.  Ms Katy Gold, London, UK
  10.  Dr. Carlos Prieto Del Campo, Gerente de Casa de América ; Universidad Nómada, Madrid
  11.  Dr. Terri Ginsberg, International Council for Middle East Studies, New York, NY, USA
  12.  Mons. Francois Lazar, Editor, Dialogue, Paris, France
  13.  Prof. Francesco Orilia, University of Macerata, Italy
  14.  Prof. Stephen Deutsch, Bournemouth University, UK
  15.  Dr. Rumy Hasan, University of Sussex, Brighton, UK
  16.  Prof. Hamid Dabashi, Columbia University, New York, US
  17.  Prof. Daniel Boyarin, University of California Berkley, US
  18.  Prof. Colin Green, University College London, UK
  19.  Mr. Douglas Roberts, Author, Columbus, Ohio, US
  20.  Dr. Gholam Khiabany, University of Sussex
  21.  Prof. Moises Garduño Garcia, National Autonomous University of Mexico/ Autonomous University of Madrid
  22.  Melisa Kohen, Stanford University, PhD student and research assistant , Stanford
  23.  Jens Hanssen, University of Toronto, Canada
  24.  Dr. Golbarg Bashi, , Rutgers, The State University of New Jersey, US
  25.  Abe Hayeem, Chair, Architects and Planners for Justice in Palestine
  26.  Prof. Bill V. Mullen, Purdue University, Indiana, US
  27.  Mr. David Keith May, Purdue University, Indiana, US
  28.  Mr. Jubin Rahatzad, Doctoral Student, Purdue University, Indiana, US
  29.  Mrs. Fee Warner Hove, author, UK
  30.  Prof. (Emerita) Sherna Berger Gluck, California State University, California, US
  31.  Mr. Bernie Eisenberg, Webmaster, Israel Divestment Campaign, Los Angeles, US
  32.  Mr. Stephen Lewis, Director of the Biomystic Institute, US
  33.  Tony Greenstein, Brighton & Hove Trades Council, Brighton & Hove UNISON, UK
  34.  Ms. Baby Siqueira Abrão, Journalist, São Paulo, Brasil
  35.  Mr Danny Dayus, Editor, World Crisis Web, Northern Ireland, UK
  36.  Dr. Samuel J. Kuruvilla, Institute for Defence Studies and Analyses, India
  37.  Ms Linda Benedikt, writer and journalist, Munich, Germany
  38.  Dr. Les Levidow, Open University, London, UK
  39.  Mr. Mike Dobson, University of Bedfordshire, UK
  40.  Ms. Roberta Frye, Culver City, California,US
  41.  Prof. David Klein, California State University, US
  42.  Mr. Kamran Ghasri, Israel Divestment Campaign, Los Angeles, US
  43.  Mr. Raul Bassi, Gaza Defence Committee, Sydney, Australia
  44.  Dr. Virginia Pitts, University of Kent, UK
  45.  The Right Honourable Clare Short, London, UK
  46.  Dr. Dennis Kortheuer, California State University, Long Beach, California US
  47.  Mr. Adrian R Crewe, Director - Umoya Consulting Observatory, Cape Town, South Africa
  48.  Susan Cheshire, counsellor, Gosport, UK
  49.  Dr. Aida A. Essaid,, University of Exeter, UK
  50.  The Right Honourable Clare Short, London, UK
[*Titre original " One State in Palestine " à http://www.1not2.org/One_State_in_Palestine/Welcome.html. Traduction Michel & Emmeline pour l’UJFP

En 2008 avait lieu à Haïfa une Conférence pour un seul Etat en Palestine historique.
Lire ici.

Ben Gourion: aux origines de la construction du projet étatique sioniste

Ben Gourion, les moments-clés d'une construction nationale et étatique ?
Les archives de Ben Gourion, dont certains extraits figurent dans Les Secrets de la création d’Israël, permettent à cet égard une mise en perspective bienvenue. Les événements des années 1947-1948 y apparaissent non pas comme le résultat d’une nécessité historique liée à la fin de la Seconde Guerre mondiale et à la prise de conscience mondiale de la Shoah mais comme le résultat d’un processus long, commencé plusieurs décennies plus tôt dans la Palestine ottomane où David Grün (nom d’origine de David Ben Gourion, originaire de l’Empire russe) s’est installé en 1906, puis s’est poursuivi sous le mandat britannique établi en 1922.
Dans son introduction historique, David Peschanski, chercheur au CNRS, présente le contexte dans lequel les structures institutionnelles du mouvement sioniste ont initié une dynamique progressive de construction étatique et ce avec la participation essentielle de Ben Gourion...
Il m'a paru intéressant de parcourir à nouveau ce temps passé de plus de 60ans...
Michel Peyret
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Sous le titre Les Secrets de la création de l’Etat d’Israël, les Editions de la Martinière publient une sélection d’extraits du journal de Ben Gourion, de discours, de lettres et de comptes-rendus de réunions stratégiques datant pour l’essentiel de la période qui a vu naître l’Etat hébreu. Traduits spécialement pour la publication de ce livre, ces documents historiques encore inédits en français portent un éclairage sur des années décisives pour la poursuite du projet sioniste.
Les conflits israélo-arabes puis israélo-palestiniens ont contribué à structurer les rapports de force à l’œuvre dans leur environnement immédiat depuis plus de soixante ans. Aujourd’hui encore et bien qu’ayant radicalement changé de nature, la « question israélo-palestinienne » continue à catalyser de nombreux enjeux régionaux. Les pressions qui pèsent sur le programme nucléaire iranien et la lutte d’influence qui oppose Téhéran aux puissances occidentales et à leurs alliés dans la région y sont indirectement liées de même que toute la politique proche-orientale de la République islamique.
A une échelle plus réduite, Israël et les Territoires palestiniens se trouvent dans l’impasse. L’intransigeance des dirigeants de l’Etat hébreu quant au processus de colonisation de la Cisjordanie entretient une situation de blocage qui favorise à son tour la division du camp palestinien et la radicalisation constante de certains éléments. Pour comprendre la situation actuelle et ses derniers développements, le recul historique est une nécessité.
Les archives de Ben Gourion, dont certains extraits figurent dans Les Secrets de la création d’Israël, permettent à cet égard une mise en perspective bienvenue. Les événements des années 1947-1948 y apparaissent non pas comme le résultat d’une nécessité historique liée à la fin de la Seconde Guerre mondiale et à la prise de conscience mondiale de la Shoah mais comme le résultat d’un processus long, commencé plusieurs décennies plus tôt dans la Palestine ottomane où David Grün (nom d’origine de David Ben Gourion, originaire de l’Empire russe) s’est installé en 1906, puis s’est poursuivi sous le mandat britannique établi en 1922.
Dans son introduction historique, David Peschanski, chercheur au CNRS, présente le contexte dans lequel les structures institutionnelles du mouvement sioniste ont initié une dynamique progressive de construction étatique et ce avec la participation essentielle de Ben Gourion. Le mouvement se place alors et ce dès avant la guerre, dans un double rapport de force avec les autorités mandataires britanniques d’une part, et avec les élites et populations arabes palestiniennes d’autre part. A la bienveillance initiale de la déclaration Balfour se substitue au cours des années 1930 une certaine méfiance de la part de Londres quant à la poursuite du projet sioniste tandis que sur le terrain, les Palestiniens voient leurs rapports avec les colons juifs se dégrader. Accédant en 1935 au poste de Président de l’Agence juive qui fait office de gouvernement pour la communauté installée en Terre sainte, Ben Gourion comprend, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, que la défaite allemande et la découverte par l’opinion publique internationale des horreurs de la Shoah donnent au mouvement sioniste une occasion historique d’atteindre son objectif ultime : la fondation d’un Etat juif en Palestine.
Ben Gourion mène alors une triple action, à la fois diplomatique, politique et militaire dont les archives présentées témoignent. Sur le plan diplomatique, l’assistance de l’Union Soviétique s’avère décisive, aussi bien aux Nations unies qui viennent d’être créées que sur le terrain. Moscou, qui sait le Royaume-Uni affaibli par la guerre, recherche des appuis au Moyen-Orient et facilite la livraison de matériel militaire en provenance de Tchécoslovaquie aux combattants sionistes, et encourage l’émigration de juifs originaires de Bulgarie et de Roumanie vers la Palestine. Politiquement, Ben Gourion doit s’assurer de l’unité des différentes composantes du mouvement sioniste, ce qui passe par l’intégration des divers partis et milices que distinguent des orientations idéologique divergentes. Enfin, le Président de l’Agence juive étant arrivé à la conclusion que la création d’un Etat juif ne pourra être arrachée que par les armes, il coordonne avec la Haganah et les forces armées rivales (l’Irgoun notamment) une action militaire conjointe visant aussi bien les représentants de l’autorité britannique que les Palestiniens, puis protège l’existence du jeune Etat face aux armées arabes coalisées contre lui après la déclaration d’indépendance.
Dans ce contexte troublé, Ben Gourion guide la transformation du yeshouv, la communauté de pionniers et d’immigrants juifs établis en Terre Sainte, en Etat. Si les structures institutionnelles du mouvement sioniste ont permis au cours des décennies précédentes de jeter les bases d’une construction proto-étatique, il doit encore parvenir à constituer une armée unifiée, à agrandir le territoire contrôlé par les forces juives et à en chasser les populations palestiniennes pour garantir le caractère spécifiquement juif du futur Etat. Ces différents objectifs sont menés de front. Les décisions prises par Ben Gourion, conformes à une pensée théorique et stratégique mûrement travaillée et dont les documents réunis dans cet ouvrage portent la trace, déterminent profondément l’histoire d’Israël. On voit en effet, dans cette période violente et intense, se mettre en place des oppositions, des problématiques et des rapports de force dont l’influence demeure et est aujourd’hui encore sensible, et dont les documents présentés permettent de retracer les origines profondes.
Dès 1947-1948, il apparaît que les structures étatiques sont les seules à même de permettre la création d’une société israélienne cohérente. Déjà plurielle, la population des premiers colons doit intégrer de nouveaux migrants au moment même de la fondation de l’Etat. La démographie est en effet une question stratégique pour Ben Gourion. Elle est la garantie de la pérennité d’un Etat spécifiquement juif dans une région de peuplement arabe. Or l’accueil de Juifs de la diaspora, dont nombre de survivants de l’extermination allemande, pose problème, et ce au-delà des premiers obstacles posés par les autorités britanniques à l’installation de certains d’entre eux en Palestine. Les immigrants souhaitant rallier le projet sioniste ne représentent qu’une fraction assez faible de la diaspora, même parmi les rescapés de l’Holocauste. Par ailleurs, ils viennent d’horizons très divers, n’ont pas nécessairement la maîtrise de l’hébreu et doivent composer avec des structures institutionnelles qui leur sont au premier abord étrangères. La confrontation armée avec les Palestiniens, puis avec la coalition arabe après la proclamation de l’Etat juif, sert de creuset intégrateur.
L’armée unifiée de l’Etat hébreu, Tsahal, composée en grande partie des troupes de la Haganah, joue donc dès les origines un rôle fondamental dans la formation de la nation et dans la cohésion de la société. Cela va de pair avec l’impératif sécuritaire indissociable du mode d’existence même d’Israël. Toutes les oppositions internes au mouvement sioniste ne se résorbent cependant pas au contact du danger extérieur. Déjà sensibles avant même que ne se déclenche le processus de formation étatique, les clivages structurants de la société israélienne transparaissent dans les écrits de Ben Gourion. Le fondateur de l’Etat est dépositaire de la tradition socialiste du sionisme et s’oppose aux sionistes révisionnistes revendiquant des positions plus droitières. Il paraît à la lecture de l’ouvrage que l’inclinaison progressiste et utopique donné par Ben Gourion à la culture politique israélienne originelle n’a jamais été véritablement hégémonique. Le parti travailliste a pu dominer la scène jusqu’aux années 1970 mais la formation de l’Etat d’Israël paraît, si l’on considère les toutes premières années de son existence, comme le fruit d’un compromis particulièrement instable voire d’une mise au pas parfois violente. C’est notamment visible lors des événements de la dite « Saison » qui ont vu s’affronter les différentes factions juives et ceux de l’Atalena, en juin 1948, au cours desquels un bateau du même nom approvisionnant en arme l’Irgoun a été coulé par les forces de la Haganah. La droitisation de l’échiquier politique, manifeste après la Guerre de six jours, a des racines profondes qui remontent à une période antérieure à la déclaration d’indépendance.
Autre problématique datant de la naissance même de l’Etat hébreu voire propre à la nature même au projet sioniste, les rapports qu’entretient un certain messianisme religieux et idéologie nationaliste résolument moderne, traversent dans toute leur équivocité les discours du fondateur d’Israël. Publiquement athée, Ben Gourion émaille ses discours de citations de l’Ancien testament. Le livre sacré offre en effet une légitimation mythologique à la présence de colons juifs en Palestine. Toute construction nationale appelle ses mythes mais la pensée de Ben Gourion semble emprunter, au miroir de ses écrits, d’une « confusion » entre religion, nationalité et légitimité historique. La réappropriation du passé sert en effet un projet essentiellement politique : la création d’un Etat-nation et la conquête par ses membres d’un territoire appelé à être homogénéisé. Ben Gourion envisage ouvertement la déportation des Palestiniens en dehors de son territoire et tente par tous les moyens, mais avec un succès limité, de hâter l’arrivée de migrants de la diaspora dont l’Ancien testament constitue par ailleurs l’unique référence commune.
En se rapprochant au plus près des faits historiques, le recueil permet de dissiper certains mythes tenaces entourant la création de l’Etat d’Israël, notamment celui du départ volontaire des Palestiniens et de l’appel radiodiffusé à quitter leur pays que les Etats arabes voisins leur aurait lancé. Par ailleurs, les archives publiées mettent en relief le caractère finalement peu évident d’une construction nationale et étatique telle qu’envisagée par Ben Gourion, donnant à voir les puissantes divisions à l’œuvre dès les origines au sein du mouvement sioniste. Les moments les plus noirs de la création d’Israël, à savoir les massacres de civils « arabes », les crimes commis à l’encontre de soldats britanniques et de diplomates par des éléments sionistes radicaux ne sont pas omis par David Peschanski, bien qu’ils soient évoqués avec une certaine discrétion. Cependant, on ne peut que demeurer sceptique à la lecture du second texte de Tuvia Friling qui complète l’appareil critique du livre. Professeur à l’Université Ben Gourion du Neguev, Tuvia Friling semble s’y livrer à un exercice d’hagiographie dépourvu d’intérêt historique .
David Ben Gourion, Les Secrets de la création de l’Etat d’Israël – Journal 1947-1948, Paris, La Martinière, 2012

22 juillet 2014

Paul Monmaur: Israël n'a pas été créé par l'ONU !

Paul Monmaur est clair et net : « Contrairement à ce qui est généralement rapporté par les médias et admis par une large majorité de la population, Israël n'a pas été créé par l’ONU. Il n'a pas été créé, non plus, pour dédouaner une Europe culpabilisée par la Shoah. Celle-ci a certes été un catalyseur du processus de colonisation de la Palestine mais pas la cause, comme en témoigne, sans ambiguïté, le rapport de la commission Peel dont il a été question plus haut. Quant à l’AG onusienne, elle n’en avait pas la capacité juridique en terme de droit international dont cette organisation se réclame. De par son statut, l’AG ne pouvait que « recommander » le partage de la Palestine entre Juifs et Arabes. Or, d'un plan de partage, les Palestiniens n'en voulaient pas comme en attestait clairement le rejet sans appel des propositions de la commission Peel en 1937. C'est donc sans équivoque et conformément à la charte onusienne qui leur reconnaît ce droit qu'ils repoussent la résolution 181, refus qui, juridiquement et de facto, l'invalide. Toutefois, quoique l'ONU ne donne pas de suite pratique à cette résolution, son principe même porte un mauvais coup au peuple palestinien. Les sionistes vont immédiatement l'exploiter sous la forme d'un coup de force et d'une provocation... »
Il m'apparaît que la vérité historique fait un grand pas avec ce texte ! De même que le réalisme avec la solution qu'il préconise !
Michel Peyret
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Lundi 12 mars 2012

Pour fuir les pogroms de l'Europe de l'Est survenus dans le courant du 19ème siècle et au début du 20ème, de nombreux Juifs qui en sont les victimes vont émigrer. Les uns vers l'Europe occidentale et vers les Etats-Unis ; ils constituent le gros de l'émigration. D'autres vont s'installer, par vagues successives, en Palestine optant ainsi pour le projet sioniste théorisé par Theodor Herzl vers 1896 qui prône la création d'un Etat juif pour les Juifs sur cette terre quoique d'autres pays d'accueil soient aussi évoqués. Leur nombre, modeste jusqu'à la première guerre mondiale (quelques dizaines de milliers de personnes représentant 8% de la population totale de la Palestine) ne cesse de croître ensuite. Ces pionniers qui comptent dans leur rang David Ben Gourion, une figure emblématique du sionisme, vont former le noyau du futur Etat d'Israël.
Le projet sioniste vise toute la Palestine historique, de la mer au Jourdain. Il se fonde, au moins en partie, sur le fameux slogan "Une terre sans peuple (la Palestine) pour un peuple sans terre (les Juifs)"! Un mythe qui nie l'existence même des centaines de milliers de Palestiniens (500 000 environ) qui vivent alors sur ce territoire…
Les sionistes ne peuvent réaliser ce projet aventureux sans le concours des principales puissances impérialistes de l'époque, notamment la Grande Bretagne et la France. Après la bataille de Bersheva, le 31 octobre 1917, qui leur donne une victoire décisive sur les Turcs, les Britanniques vont adresser dès le 2 novembre 1917 par l’entremise de Lord Balfour, leur ministre des Affaires étrangères, une « déclaration de sympathie à l’adresse des aspirations sionistes » à Lord Rothschild. Cette déclaration stipule également que « le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif. » Le 14 février 1918, la France affirme que "l’entente est complète entre les gouvernements français et britannique en ce qui concerne la question d’un établissement juif en Palestine". Les raisons de ces soutiens au projet sioniste sont implicites. Parmi elles, une ne peut être contestée : l'implantation en Palestine d'un poste avancé sioniste placé sous tutelle britannique sert opportunément les intérêts de la politique impériale occidentale qui ambitionne d'étendre son contrôle sur les immenses champs pétrolifères du Moyen-Orient et sur les voies maritimes (notamment le canal de Suez) d'acheminement du pétrole. Ce "sang de la victoire" comme l'appellent les alliés victorieux de la grande guerre devient un nouvel enjeu majeur du capitalisme européen.
Le Mandat sur la Palestine, donné à la Grande-Bretagne le 24 juillet 1922 par le Conseil de la Société des Nations (SDN), va faciliter les desseins impérialistes. La voie ainsi ouverte vers la colonisation de la Palestine permet aux leaders sionistes de s'y aventurer avec un certain capital de confiance. Toutefois, l'élite du mouvement sioniste est consciente des obstacles qu'il lui faudra surmonter pour mener à bien son projet. A titre d'exemple, le président de l’Organisation Sioniste Mondiale, Chaïm Weizmann, une autre grande figure du sionisme écrit, en 1919, au premier ministre britannique pour lui demander d’étendre la frontière nord de la Palestine au Golan, à des portions du Liban, de la Syrie et de la Jordanie, de manière à englober toutes les sources d’eau disponibles de la région sans lesquelles il n'y aurait pas d'indépendance économique pour le nouvel Etat. Dans la même logique, Ben Gourion déclare, en 1941, que pour parvenir à enraciner l’Etat juif, il faudra que les eaux du Jourdain et du Litani soient comprises à l’intérieur de ses frontières. La bataille pour l'eau commence déjà.
Par ailleurs, en 1923, alors que les migrants juifs affluent en nombre croissant, encouragés par la montée de l'antisémitisme en Europe, un des chefs influents de l'aile droite du sionisme, Vladimir Jabotinski affirme, en réaction à la première révolte palestinienne contre l'immigration juive de masse, que le recours à la force est nécessaire à la colonisation de la Palestine et que l’armée doit jouer son rôle sans indulgence. Une conviction que partage ouvertement, en 1937, Ben Gourion et qui est en totale adéquation avec l'idée avancée, en 1940, par Josef Weitz alors chef des achats de terres de l’Organisation Juive Mondiale, selon laquelle il est nécessaire d'expulser tous les Arabes vers les pays voisins car il n'y a pas de place pour deux peuples vivant en Palestine. Une analyse qui se fonde sur la montée en puissance d'une farouche résistance palestinienne à la colonisation sioniste dès 1920. En effet, quand les Palestiniens réalisent que l’immigration juive a pour objectif d’établir un Etat juif et de les déposséder de leur terre, ils entrent en révolte (1920, 1929, 1935, 1936), révoltes qui pour certaines d'entre elles tournent à l'émeute générant massacres et victimes, de part et d'autre. Ces rébellions s'intensifient au fur et à mesure que l'immigration croît et elles atteignent leur apogée entre 1936-1939 où elles sont réprimées dans le sang par l’armée britannique aidée par les milices sionistes.
Inquiète de la montée des tensions de plus en plus violentes entre autochtones palestiniens et migrants juifs, et pour tenter de les réduire, la commission Peel, mise en place à la demande du gouvernement de Sa Majesté, préconise, en 1937, le partage de la Palestine en deux parties, l'une arabe, l'autre juive, avec transfert de populations !Comme on peut s'y attendre, ce plan qui les dépossède d'une partie importante de leur territoire et entraîne le déracinement de ses habitants provoque un véritable choc chez les Palestiniens, lesquels le rejettent en bloc. En revanche, ils accueillent favorablement le livre blanc publié par le gouvernement de Chamberlain, le 17 mai 1939. Prenant en compte, dans toute la mesure du possible, les motivations et les intérêts des Juifs désireux d'immigrer en Palestine sans léser les droits fondamentaux et légitimes du peuple palestinien, ce document propose que l'immigration juive et les ventes de terres aux organisations sionistes soient placées sous le contrôle des autorités britanniques mandataires et qu'elles soient régulées en fonction des capacités d'accueil de la Palestine. La population juive ne doit pas dépasser le tiers de la population du pays et un Etat palestinien unitaire et indépendant doit voir le jour dans un délai de 10 ans.
 Par une violente vague d'attentats antibritanniques, par la construction de nouvelles colonies et un intense activisme politique, les dirigeants sionistes sabotent cette initiative qui a pourtant les attributs d'un compromis raisonnable mais qui ruinerait, de fait, une ambition coloniale forte de 35 ans d'existence : créer un foyer national juif, pour les Juifs, en Palestine. Ainsi, au seuil du deuxième conflit mondial et tout au long de celui-ci, les institutions et les organisations sionistes officielles réaffirment aux yeux de tous leur volonté irréductible d'atteindre l'objectif qu'elles se sont fixé, cela par tous les moyens, y compris les armes et le terrorisme. Dès lors les perspectives s'assombrissent pour le peuple de Palestine : s'il ne parvient pas à résister à la poussée coloniale sioniste, il sera contraint à l'exode et à l'exil, ou voué à la destruction. Ces périls ne sont-ils pas déjà portés en germe dans le projet sioniste ?
 Au début de 1947, engagée dans la reconstruction d’une Europe dévastée et préoccupée par des conflits militaires qui se développent un peu partout dans le monde, la Grande Bretagne décide de résilier son mandat sur la Palestine et d'y mettre fin le 14 mai 1948.
 En 1945, suite aux désastres provoqués par la guerre, l'ONU est créée en remplacement de la Société des Nations réputée avoir failli dans sa mission. Composée d'une cinquantaine d'Etats seulement, cette organisation onusienne se trouve, de facto, placée sous le contrôle des puissances impérialistes occidentales qui l'ont fait naître et la financent pour l'essentiel. Le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale (AG) de l'ONU adopte, à une courte majorité, la résolution 181 qui propose le partage de la Palestine mandataire entre Juifs et Arabes : 55 % du territoire aux premiers avec 80% des terres céréalières, les 45 % restants aux seconds. Un plan de partage dérivé de celui de feue la commission Peel mais qui est plus pénalisant encore pour les Palestiniens.
Contrairement à ce qui est généralement rapporté par les médias et admis par une large majorité de la population, Israël n'a pas été créé par l’ONU. Il n'a pas été créé, non plus, pour dédouaner une Europe culpabilisée par la Shoah. Celle-ci a certes été un catalyseur du processus de colonisation de la Palestine mais pas la cause, comme en témoigne, sans ambiguïté, le rapport de la commission Peel dont il a été question plus haut. Quant à l’AG onusienne, elle n’en avait pas la capacité juridique en terme de droit international dont cette organisation se réclame. De par son statut, l’AG ne pouvait que « recommander » le partage de la Palestine entre Juifs et Arabes. Or, d'un plan de partage, les Palestiniens n'en voulaient pas comme en attestait clairement le rejet sans appel des propositions de la commission Peel en 1937. C'est donc sans équivoque et conformément à la charte onusienne qui leur reconnaît ce droit qu'ils repoussent la résolution 181, refus qui, juridiquement et de facto, l'invalide. Toutefois, quoique l'ONU ne donne pas de suite pratique à cette résolution, son principe même porte un mauvais coup au peuple palestinien. Les sionistes vont immédiatement l'exploiter sous la forme d'un coup de force et d'une provocation.
En effet, à la fin du mandat britannique sur la Palestine, le 14 mai 1948, les chefs du mouvement sioniste auto-proclament, par la voix du premier d'entre eux, David Ben Gourion, la création de l'Etat d'Israël ! Inacceptable pour le peuple palestinien qui riposte sur le champ par une insurrection de très grande ampleur. Sur le pied de guerre et mettant à profit la moindre opportunité, l'armée et les milices sionistes lancent aussitôt une série d'opérations militaires de grande envergure.
Au cours de la confrontation qui est sanglante, les pertes sionistes sont très élevées : 5000 à 6000 morts dont un quart de civils et plus de 10 000 blessés. Côté palestinien, le bilan est catastrophique : 20 000 morts (le nombre de blessés, sans doute très élevé, n'est pas connu précisément), des villes et des villages rasés par dizaines et par centaines, selon le cas, des centaines de milliers de personnes en fuite dont femmes, enfants et vieillards terrorisés à l'idée de subir le sort de la population de Deir Yassin, dont une centaine de membres furent massacrés, la nuit du 9 avril 1948, par les milices juives.
Le 11 mai 1949, c'est-à-dire un an, presque jour pour jour, après le déclenchement des actes de barbarie commis par les sionistes à l'encontre du peuple palestinien révolté, l'ONU accueille Israël en qualité de nouveau membre. Une fois encore en violation du droit international que l'organisation a pour mission de faire respecter, ainsi qu'en violation de la déclaration universelle des droits de l’homme adoptée 5 mois plutôt par les 58 Etats membres qui constituent alors son Assemblée générale. Une véritable mystification déjà mise en scène le 29 novembre 1947 lors de l'adoption de la résolution 181, comme cela est mentionné plus haut (et qui sera rejouée lors des campagnes mensongères menées hier contre l'Irak et la Libye et aujourd'hui contre la Syrie). Ces pratiques illégales et hypocrites révèlent clairement que l'ONU sert surtout à cautionner les entreprises coloniales de l'impérialisme états-unien et de ses vassaux européens et sionistes ; ce faisant, elles disqualifient, de facto, cette organisation qui jouit, injustement,d'une aura prestigieuse auprès de nombreux citoyens.
En 1967, lors de la guerre des Six Jours déclenchée par les armées sionistes et qui coûte la vie à 20 000 Arabes, 300 000 Palestiniens sont à leur tour expulsés de Cisjordanie. Des centaines de colonies avec leurs 450 000 colons israéliens s'y implantent, accaparant terres et ressources naturelles de ce territoire, notamment l'eau indispensable à l'agriculture locale. Les espaces non encore phagocytés par la colonisation rampante sont progressivement grignotés et leurs habitants sont expulsés ou en fuite comme, par exemple, dans la vallée du Jourdain ou encore à Jérusalem Est. Dans ce secteur, 30 000 nouvelles habitations doivent être construites en 2012, ce qui correspond à la moitié du projet d'implantation de 60 000 unités censé changer le tissu démographique de la ville. 3200 hectares des terres palestiniennes sont confisqués en 2011. Barrages routiers, check-points et mur de séparation paralysent l'activité journalière des Palestiniens. Depuis l’année 2000, environ 7500 enfants ont été arrêtés et poursuivis par les tribunaux militaires israéliens pour avoir jeté des pierres. Chaque année, plusieurs centaines de ces enfants font l'objet de mauvais traitements qui ont pu aller jusqu’à la torture. Et ces 13 derniers mois, plus de 3000 Cisjordaniens, dont des femmes et des enfants, ont été arrêtés (environ 10 000 Palestiniens dont des enfants sont détenus dans les prisons israéliennes).
Dans la bande de Gaza, la situation est pire encore. Elle est même désespérée. 1500 habitants dont des femmes, des enfants et des vieillards, sont morts sous un déluge de feu déversé par l’armée israélienne durant l’opération ”Plomb durci” entre décembre 2008 et janvier 2009 laissant ce territoire dans un état de désolation apocalyptique. Un très grand nombre d’habitations et d’édifices publics sont détruits ainsi que la plupart des infrastructures fournissant les services de première nécessité. Un tiers environ des terres agricoles sont rendues inexploitables et 90% des usines restent fermées. 65% de la population est au chômage qui frappe 75% des moins de 30 ans ! La survie même des Gazaouis est menacée par un blocus meurtrier et des raids aériens incessants. Bref, Gaza se meurt !
On estime aujourd'hui à 5 millions le nombre total de réfugiés palestiniens : plus d'un tiers vivent dans 58 camps disséminés au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. 80% des Gazaouis sont des réfugiés et/ou des descendants de réfugiés. 45% des enfants de moins de 18 ans dans les territoires palestiniens sont des réfugiés.
Dans les camps, les réfugiés vivent généralement dans une grande précarité et sont habités par la volonté, rendue irrépressible par la spoliation de leurs terres et des décennies d'humiliation, de retourner dans leur foyer d'origine. Alors qu'elles sont la substance même de la résistance palestinienne, ces communautés de réfugiés, séparées les unes des autres, abandonnées à leur propre sort, sont, en pratique, considérées comme des mondes perdus.
Isolés dans une véritable prison à ciel ouvert et broyés par un blocus inhumain et des incursions aériennes quasi quotidiennes, les Gazaouis voient se réduire chaque année un peu plus leur capacité à peser sur la politique de l'Autorité palestinienne, seul interlocuteur reconnu par Israël et la communauté internationale, bien que son mandat, arrivé à échéance, soit à ce jour invalide. Ils sont perçus, au moins par la composante bourgeoise de la société cisjordanienne, comme des cousins lointains qui dérivent inexorablement vers leur propre destin…En bref, pour de nombreux observateurs, la situation des réfugiés aurait atteint le point de "non retour" !
Dès son auto proclamation en qualité d'Etat en mai 1948, contre la volonté palestinienne, Israël est l'épicentre de séismes politiques et sociaux dont il est à la fois la cause et la victime (voir plus haut), et qui secouent fortement des pays arabes limitrophes ou voisins. Par solidarité et/ou par calculs stratégiques et politiques, la Syrie, la Jordanie, l'Irak et l'Egypte s'engagent militairement au côté de leurs frères palestiniens durant les évènements de 1948. Par ailleurs, en riposte à la guerre des Six Jours à la suite de laquelle les sionistes occupent le Sinaï et le Golan, la Syrie et l'Egypte attaquent Israël en 1973 (guerre du Kippour) et remportent des succès significatifs. Quoique rapidement stoppés puis annulés par des contre-offensives israéliennes, ils permettent néanmoins l'ouverture de négociations de paix qui aboutissent à la normalisation des relations entre Israël et l'Égypte ; une véritable trahison pour la résistance palestinienne et ses soutiens syrien et iranien. Là encore, on déplore morts, blessés, prisonniers, destructions, invasions, occupations… Enfin, le Liban est le théâtre, pendant 15 ans, de violents affrontements internes suite à de profondes divergences politiques au sujet, notamment, du traitement de la résistance palestinienne. Il s'y déroule aussi de durs combats opposant les forces sionistes aux forces progressistes libanaises et aux fedayins palestiniens qui sont retranchés dans le pays et à partir duquel ils lancent des opérations commandos en direction d’Israël.Le bilan général est effroyable : 200 000 morts environ et le pays est dévasté politiquement, économiquement et socialement. Aujourd'hui, Liban, Syrie, Iran et Israël sont installés dans une guerre froide qui peut dégénérer en conflit ouvert à tout moment.
Ce qui précède, notamment les tragédies incroyables qui sont rapportées, s'inscrivent, indiscutablement, dans la logique du projet sioniste et des idées qu'il véhicule, et découle de sa mise à exécution illégale au regard du droit international, il y a des dizaines d'années, et qui se poursuit, obsessionnellement et toujours illégalement, encore aujourd'hui… Même pour un esprit conciliant, force est de constater qu'Israël n'a pas d'autre légitimité que celle du fait accompli à coups de canons, de nettoyages ethniques, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
A toutes ces atrocités commises hier succèdent les crimes de déshumanisation et les "sociocides" perpétrés aujourd'hui. Bref, l'état sioniste est undangereux et insatiable prédateur. Sa force est colossale car elle s'enracine dans l'hyperpuissance économique et militaire américano-européenne dont il est le bras armé menaçant, au Proche – et au Moyen-Orient. La Syrie et l'Iran qui résistent à la réalisation du projet atlantiste de remodelage du Grand Moyen-Orient sont tout particulièrement visés actuellement.
Dans ce contexte, la reconnaissance éventuelle d'un Etat palestinien croupion, aux frontières virtuelles et à la souveraineté improbable ne peut être une solution. Ce leurre onusien des maîtres du monde pour lesquels seul le succès des armes "est raison", ne modifiera pas, de façon significative, la situation déshumanisée des réfugiés ni celle des prisonniers, notamment politiques, qui croupissent dans les geôles israéliennes car sans vérité établie et sans justice rendue il n'y a pas de paix. Ilne rétablira pas, non plus, dans leurs droits inaliénables et légitimes ceux des Palestiniens qui seraient tentés d'abandonner leurs frères déshérités et de renoncer, bon gré mal gré, à 90 % de leur terre d'origine par peur de perdre davantage encore. Enfin, elle laissera les Israéliens s'enfermer durablement dans un ultra-communautarisme aux effets explosifs, tandis que la communauté internationale, complice de leurs crimes, devra faire face à sa sinistreconscience.
En revanche, la construction d'un Etat multiethnique, multiculturel, laïque et démocratique s'étendant sur tout le territoire de la Palestine historique est l'initiative qui, seule, paraît en mesure, à la fois (a) de rendre justice, droits et dignité à tous les Palestiniens, réfugiés inclus, et (b) de restaurer chez les Israéliens, humanisme, honneur et paix que nombre d'entre eux, las des souffrances infligées mais aussi subies, appellent aujourd'hui de leurs vœux.
C'est vers cet objectif que doivent converger toutes les forces de combat progressistes, notamment occidentales. La cible ? Pas Israël (sauf via la campagne non violente BDS) car on n'a jamais vu un système par nature expansionniste, conquérant et hyperpuissant rendre les armes de lui-même, sans combattre. L'impérialisme US-UE ? Oui, car sans son soutien et sa protection, l'idéologie sioniste, son appareil politique et son système militaire imploseraient, naturellement. "Qui ne croit pas aux miracles n'est pas un réaliste" ; une réflexion attribuée à Ben Gourion ! Prenons-le au mot : résistons aux idées reçues, au conformisme, au dogmatisme, à la pensée unique, à la fatalité et tentons de faire triompher la vérité, la justice, le droit et la solidarité, en faveur de tous…
N'attendons pas que l'injustice et la barbarie frappent à notre porte pour les dénoncer et les combattre !

Paul Monmaur, universitaire, retraité
L'unique ambition de cette modeste contribution est d'essayer d'alimenter la réflexion et de susciter le débat sur la situation actuelle au Proche-Orient, en général, et à la tragédie du peuple palestinien, en particulier.


20 juillet 2014

Citations en exergue des chapitres de "Parole d'homme"

Les citations que Roger Garaudy a placé en exergue des chapitres de Parole d'homme en disent beaucoup sur l'homme, ses centres d'intérêts, son état d'esprit à l'époque qui n'a pas fondamentalement varié par la suite. [Entre crochets, les titres de chapitre]


[L'amour] De cette vie je n'ai appris qu'une chose : j'ai appris à aimer; et je ne vous souhaite qu'une chose : savoir aimer. Aragon. "J'abats mon jeu"

[La mort] Il ne peut rien nous arriver de plus beau que la mort.Walt Whitman. "Départ pour Paumanok"

[Le sens de la vie] Le temps est le sens de la vie. (Sens : comme on dit le sens d'un cours d'eau, le sens d'une phrase, le sens d'une étoffe, le sens de l'odorat.).Claudel. "Art poétique"

[Le bonheur] N'est condamnable que ce qui existe isolément... dans le tout, tout se résout et s'affirme. Il ne nie plus... mais une telle croyance est la plus haute de toutes les croyances possibles; je l'ai baptisé du nom de Dionysos.Nietzsche. "Le Crépuscule des idoles"

[La vie quotidienne] La mère et les frères de Jésus vinrent le trouver : mais ils ne purent l'aborder à cause de la foule. On lui dit : Ta mère et tes frères sont dehors, et ils désirent te voir. Mais il répondit : Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique.Luc, VIII, 20

[Liberté ? Libération ?] La trame de ce monde est faite de nécessité et de hasard. La raison humaine se place entre les deux et sait les gouverner. Goethe. "Wilhelm Meister"

[Le travail] Notre point de départ c'est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l'homme... Ce qui distingue le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur. Karl Marx. "Le Capital"

[Les autres] Les veilleurs ont un seul monde, qui leur est commun; ceux qui dorment tombent chacun vers un monde particulier. Héraclite.

[Les autres] Une race nouvelle parmi les hommes de ma race, une race nouvelle parmi les filles de ma race, et mon cri de vivant sur la chaussée des hommes, de proche en proche, et d'homme à homme.
Jusqu'aux rives lointaines où déserte la mort.Saint-John Perse. "Vents"

[L'avenir] L'homme, avec le monde qui l'entoure, est une tâche à réaliser, un immense réservoir d'avenir. Ernst Bloch. "Le Principe espérance"

[L'avenir] Il y a tant d'oeuvres qui n'ont pas encore lui. Rigveda

[La politique] La politique est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. Paul Valéry

[La cité idéale] Je ne prépare pas des recettes de cuisine pour les gargotes de l'avenir. Karl Marx

[Une foi] Tout ce que je dis de Dieu, c'est un homme qui le dit. Karl Barth

[Et puis encore...] Christophe prit conscience de sa destinée qui était de charrier, entre les frères ennemis, comme une artère, toutes les forces de vie de l'une à l'autre rive. Romain Rolland. "Jean-Christophe"

 http://www.epigraphe.org/?auteur=147#a147

Crédit d'images: Parole d'homme. Edition France Loisirs avec l'autorisation des Editions Robert Laffont

19 juillet 2014

Lettre de Roger Garaudy aux oulémas de la Péninsule arabique (1996)


Le 19 mars [1996, ndlr], j’ai reçu une inculpation, avec menace d’une année de prison ferme, à la suite de la publication de mon dernier livre : Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, dans lequel je démontre que ni les textes bibliques, ni les persécutions d’Hitler ne peuvent justifier le vol des terres des Palestiniens, leur expulsion et la répression sanglante exercée contre eux, pas plus qu’ils ne peuvent justifier le plan de désintégration de tous les États arabes, fondement de la politique israélienne exposée dans la revue sioniste : Kivounim, plan que je publie et dénonce dans mon livre. Quelques jours après, des frères palestiniens m’apportent deux journaux : El Majella et Okaz et d’autres journaux du Golfe, illustrés de plusieurs photos de moi. Je crus d’abord naïvement que ces journaux contenaient des articles pour me défendre. Au contraire, ils essayaient de me discréditer avec les prétextes les plus mensongers. L’opération des sionistes et des dirigeants saoudiens qui financent ces journaux était bien synchronisée par leurs maîtres communs : les dirigeants américains de la CIA.
Les dirigeants saoudiens ne me pardonnent pas de les avoir dénoncés comme traîtres à l’Islam et à la paix mondiale lorsqu’ils ont appelé, dans le pays où ils se prétendaient « protecteurs des lieux saints », une armée américaine gigantesque et servant de base permanente pour les agressions américaines contre les autres pays musulmans détenteurs de pétrole. Cela commença avec la destruction de l’Irak. L’Irak n’avait jamais accepté la menace d’intervention anglaise de 1962, lorsque le général Kassem eut le courage d’écarter les pirates occidentaux des pétroles de son pays. Alors fut enlevée à l’Irak une région pétrolifère qui avait toujours fait partie de la province de Bassorah. Ainsi les Anglais, les Américains, et leurs complices occidentaux purent contrôler les prix du pétrole en créant le Koweit qui n’est une « nation » que sur le papier, aux Nations-Unies, où les Anglo-Américains l’ont imposé.
Le Koweit est une compagnie pétrolifère dont les maîtres véritables sont en Amérique avec la complicité d’émirs corrompus dont le premier acte, après l’écrasement technique de l’Irak, fut d’expulser les Palestiniens et tous les opposants possibles au régime imposé, dans le sang du peuple irakien, par les Américains.
Ce fut un crime impardonnable lorsque des dirigeants arabes acceptèrent, en échange de compensations financières, de servir au camouflage de cette nouvelle agression colonialiste en opération « internationale ».
Il y eut pire : n’hésitant pas à discréditer notre religion en la mettant au service de la politique de ses pires ennemis, les colonialistes américains et occidentaux, le roi Fahd convoqua un rassemblement d’ « oulémas » pour leur faire cautionner, au nom de l’Islam, cette opération. De divers pays, en particulier de l’Arabie Saoudite, du Golfe et de bien d’autres, des « oulémas » serviles vinrent sacraliser cette politique américaine visant à contrôler tous les pétroles du monde. J’ai alors dénoncé publiquement cette prostitution politique. Et ce sont les mêmes oulémas serviles qui, aujourd’hui, cherchent à se venger en me présentant comme un mauvais musulman au moment où, une fois de plus, j’affronte le sionisme.
Ils me reprochent calomnieusement de « semer le doute » sur Abou Hanifa et Chafi, alors précisément que je donne en exemples, dans tous mes livres et articles, ces deux juristes de génie qui ont su créer, à partir des principes éternels de la « sharia », telle que la définit le Coran (Dieu seul possède, Dieu seul commande, Dieu seul sait ó message qu’Il a envoyé au monde par tous ses prophètes) un « fiqh » répondant aux besoins de leur pays et de leur temps, nous donnant ainsi l’exemple de cette « réflexion », à laquelle nous appelle sans cesse le Coran, pour créer, à partir de l’immuable « Sharia », un « fiqh » du XXe siècle.
Alors que mes critiques veulent fossiliser l’Islam en prétendant imposer au XXe siècle un « fiqh » du Xe siècle. Ils me reprochent de rejeter la « Sunnah ».
Autre mensonge : je leur reproche l’usage politique qu’ils en font : lorsque Sadate, brisant l’unité arabe, va à la « Knesset » sioniste, puis en Amérique, à Camp David, signer une paix séparée avec Israël, une « fatwa d’El Azhar » cautionne sa démarche. Lorsqu’à Charm el Cheikh les anciens colonialistes occidentaux et leur chef de file américain organisent, à grand spectacle, une assemblée de chefs d’État pour « combattre le terrorisme » en se solidarisant avec les pires terroristes : les dirigeants israéliens, et désigner la prochaine cible : l’Iran, en attendant que ce soit le tour de la Libye, les mêmes dirigeants arabes, avec leur chef de file saoudien, accourent à l’appel du maître américain et (à l’exception de 3 d’entre les chefs musulmans), vont, un à un, se prosterner à Tel-Aviv devant les dirigeants israéliens. Les « oulémas » qui m’accusent ont-ils protesté contre Charm el Cheikh ? Ont-ils convoqué une réunion internationale de solidarité avec les Palestiniens après le massacre terroriste par des Israéliens d’Hébron, de musulmans en prière ? Ils se sont tus. Ont-ils dénoncé le placement de milliards de dollars saoudiens dans les banques américaines comme une violation de l’interdiction du « riba » ? Non. Ils l’ont, à El Azhar, officiellement accepté ! Ont-ils dénoncé le crime permanent de l’embargo américain qui tue chaque année cent mille enfants irakiens ?
Ont-ils dénoncé « l’Organisation mondiale du commerce » (ex GATT) et le « Fonds monétaire international » dont les diktats imposent au « Tiers-Monde » l’équivalent de morts de un Hiroshima tous les deux jours ? Non, car leurs maîtres américains et saoudiens ne le leur permettraient pas ! Leur principale préoccupation, la déformation des propos de Garaudy. Ma seule réponse est le livre dans lequel je résume l’histoire de l’Islam : Grandeur et décadences de l’Islam (1996) en rappelant ma foi en l’Islam et en combattant les dirigeants politiques qui le déshonorent. Ce qu’osent demander ces fossoyeurs de l’Islam, c’est que l’on crée un « Comité » pour juger quels sont les musulmans orthodoxes comme eux, ou hérétiques, ce qui transformerait la Ligue islamique mondiale en Tribunal d’Inquisition permettant, comme le Pape de Rome, d’excommunier ceux qui dénoncent leurs trahisons.
Les pays arabes gouvernés par de tels dirigeants, ayant à leur service de tels « religieux », sont les fossoyeurs de l’Islam qui ne retrouvera sa grandeur et son rayonnement mondial que lorsque les peuples les auront chassés et auront renvoyé leurs protecteurs américains dans leur pays, emportant dans leurs bagages les dirigeants indignes et ceux des oulémas qui ont collaboré avec eux.
Alors l’Islam retrouvera le dynamisme du premier siècle de l’Hégire et ses forces de renouvellement constant : celle de « la vivification des sciences religieuses » du Grand Al Ghazali, comme de la « reconstruction de la pensée religieuse de l’Islam » de Mohammed Iqbal, celle de mes maîtres vénérés : El Afghani, Mohammed Abdou, Rachid Ridda, Hassan El Bannah, Ibn Badis, Malek Bennabi, et mon frère fidèle jusqu’à la mort : Mahmoud Abou Saoud, dont j’essaye, en humble disciple, de continuer l’œuvre, à la fois en Andalousie où j’ai créé, à Cordoue, capitale du Califat d’Occident, à la Tour Calahorra, le seul musée consacré, en Espagne, à évoquer le vrai visage de l’Islam d’Andalousie contre ses détracteurs, et qui est chaque année visité par 100 000 personnes, ou lutter, en France, aux États-Unis et dans tous les pays d’Occident, contre le « lobby » sioniste pour en dénoncer les crimes.
C’est ainsi que je crois remplir ma tâche de musulman fidèle à un Coran qui nous appelle sans cesse à servir Dieu « qui ne cesse de créer et de recréer le monde ». Être fidèle au foyer des ancêtres ce n’est pas en conserver les cendres mais en transmettre la flamme.

R. G.

Palestine, le caractère colonial du conflit

Le grand mérite des Palestiniens – Hamas compris – est de n’avoir jamais mené une autre lutte qu’anticoloniale. Même les islamistes palestiniens n’ont jamais « déterritorialisé » leur revendication nationale pour la fondre dans un jihadisme sans frontières. Ils sont restés insensibles aux soubresauts qui ont bouleversé le monde arabo-musulman depuis la révolution iranienne de 1979. C’est au contraire Israël qui a tenté de transformer la lutte des Palestiniens en conflit religieux. On se souvient du cri d’Ariel Sharon au lendemain du 11 septembre 2001 : « Arafat est notre Ben Laden à nous ! » Il s’agissait évidemment de nier le caractère colonial du conflit et de le mêler au « choc des civilisations », cher aux néoconservateurs américains. Mais cette imposture n’a jamais fonctionné. Or, nous voilà peut-être à un moment où le risque est réel de voir s’implanter en Palestine des mouvements dits jihadistes...
Que reste-t-il à faire avant qu'il ne soit trop tard ?
Michel Peyret
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Par Denis Sieffert - 10 juillet 2014
Un conflit toujours central
Il n’y a pas de conflits qui se règlent par magie simplement parce que les pays occidentaux en nient l’existence. Ils ne disparaissent pas. Ils se transforment.

Le conflit israélo-palestinien est ce qu’on appelle un conflit « de basse intensité ». Assez souvent, il s’efface derrière une autre actualité, encore plus sanglante. On aurait alors tendance à l’oublier. Voire même, pour les plus naïfs, ou les plus perfides, à le croire réglé faute de combattants côté palestinien. Mortelle illusion ! Car les Palestiniens, eux, ne l’oublient jamais. Comment l’oublieraient-ils alors que les colonies empiètent toujours plus sur leurs terres, que leurs maisons sont détruites et que l’arbitraire administratif et militaire entrave leurs faits et gestes ? Comment les habitants de Gaza, étouffés depuis sept ans par le blocus israélien, pourraient-ils l’oublier ? Une autre erreur est d’en sous-estimer la portée symbolique, et même la centralité politique. Deux choses qui ne se mesurent ni au nombre de victimes ni aux enjeux pétroliers, et surtout pas à la superficie de la zone de conflit.
C’est évidemment son histoire, son antériorité et son caractère immédiatement international qui donnent au conflit israélo-palestinien cette importance singulière. Le jeu extrêmement malsain auquel les grandes puissances se sont livrées a, par la suite, contribué à répandre un sentiment d’injustice et crée un phénomène d’identification. Il en va des rapports entre les peuples comme des relations entre les individus : la mauvaise foi, l’abus de la force par celui qui est seul à la posséder, le mépris du droit, tout cela suscite la solidarité. L’injustice fait aussi monter le niveau de violence. Nous avons déjà eu l’occasion de le montrer : la percée du Hamas, à partir du début des années 1990, a correspondu aux rebuffades essuyées par la partie palestinienne qui avait fait le choix de la négociation. Arafat, d’abord, Mahmoud Abbas, ensuite. Le blocage systématique des négociations par Israël a même fini par faire apparaître l’Autorité palestinienne comme complice de l’occupation. Aujourd’hui, c’est le Hamas lui-même qui est affaibli. D’où cette pluie de roquettes sur le sud d’Israël qui vise à redonner l’illusion de la force et de la radicalité. Ce qui est en jeu dans les événements de ces dernières semaines, c’est peut-être la nature même de ce conflit. On ne le dira jamais assez, comme l’avait magistralement analysé Maxime Rodinson, il y a presque cinquante ans, il s’agit d’un conflit colonial. Le corps du délit, c’est la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. C’est l’occupation. C’est la situation d’apartheid qui en résulte. Et la solution, c’est la décolonisation, c’est-à-dire la restitution du territoire palestinien selon les frontières de juin 1967.
Le grand mérite des Palestiniens – Hamas compris – est de n’avoir jamais mené une autre lutte qu’anticoloniale. Même les islamistes palestiniens n’ont jamais « déterritorialisé » leur revendication nationale pour la fondre dans un jihadisme sans frontières. Ils sont restés insensibles aux soubresauts qui ont bouleversé le monde arabo-musulman depuis la révolution iranienne de 1979. C’est au contraire Israël qui a tenté de transformer la lutte des Palestiniens en conflit religieux. On se souvient du cri d’Ariel Sharon au lendemain du 11 septembre 2001 : « Arafat est notre Ben Laden à nous ! » Il s’agissait évidemment de nier le caractère colonial du conflit et de le mêler au « choc des civilisations », cher aux néoconservateurs américains. Mais cette imposture n’a jamais fonctionné. Or, nous voilà peut-être à un moment où le risque est réel de voir s’implanter en Palestine des mouvements dits jihadistes. L’environnement régional, en Syrie, en Irak, mais aussi dans le Sinaï égyptien, peut favoriser la récupération d’une jeunesse désespérée. C’est ce à quoi peut conduire la stratégie occidentale du pourrissement. La cause palestinienne est aussi un objet de convoitise pour tous les prophètes de malheur et les démagogues du monde musulman. Ben Laden ne manquait jamais d’y faire référence. Abou Bakr al-Baghdadi, le « calife » autoproclamé d’Irak et de Syrie, exploitera lui aussi le filon.
Nous ne cessons jamais d’expérimenter la même loi de l’Histoire : il n’y a pas de conflits qui se règlent par magie simplement parce que les pays occidentaux en nient l’existence. Les conflits ne disparaissent pas. Ils se transforment. Et quand ils reparaissent, nous feignons la surprise et l’indignation. C’est ce qui s’est produit avec la destruction des oppositions de la gauche laïque dans le monde arabe au cours des années 1960-1970. C’est ce qui guette aujourd’hui la Palestine, alors que toutes les issues politiques ont été méthodiquement verrouillées par les gouvernements israéliens. Jusqu’ici, les Palestiniens n’ont pas seulement résisté à Israël, ils ont aussi résisté à la dénaturation et à la récupération de leur combat. C’est peut-être cette seconde résistance qui risque aujourd’hui de céder si l’espoir ne leur est pas rendu.