22 janvier 2017

Un seul monde


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Pourquoi un homme d’État, un chef de gouvernement n’aurait-il pas l’audace de déclarer à la radio ou à la télévision à ses compatriotes : "Nous tous qui sommes rassemblés sur cette parcelle de la Terre, vous autant que moi-même, dans cent ans, nous aurons disparu, nous et ceux qui nous entourent, que nous les aimions, les détestions ou qu’ils nous soient indifférents. Cent ans, c’est beaucoup pour chacun de nous, et nombreux sont ceux qui ne les atteindront pas. Mais c’est une poussière de temps au regard de la marche du monde et des galaxies. Pensez-y ce soir en regardant le ciel. Ne trouvez-vous pas non seulement injuste ou coupable, mais simplement absurde qu’ainsi soumis au même sort, alors que la même fin nous attend, inexorable, nous ne regardions pas notre existence et celle des êtres qui nous entourent comme une seule et même vie ? Ne pensez-vous pas que ce morceau de temps que nous partageons ensemble devrait nous amener à partager également les ressources de ce siècle, aussi bien celles que la Terre nous offre que celles que le cerveau humain a créées et peut encore imaginer ? (…) Ce bref passage sur Terre, qui est le lot de chacun de nous, il faut en améliorer le cours pour tous, puisque nous sommes embarqués sur le même bateau - navire de plaisance pour les uns, galère pour les autres. Pourquoi ne deviendrait-il pas un grand voilier profitant des mouvements de l’air et de l’eau, sans cabines de luxe pour les uns ni entrepont pour les autres, dont bénéficieraient au mieux tous ceux que la vie a réunis à son bord ?" Un tel discours pourrait être entendu. Mais sa réalisation serait redoutée par certains. Si nul n’a plus le souci d’assurer exclusivement son existence quotidienne et celle des siens, ne risque-t-on pas de voir surgir des pensées grosses de réflexions refoulées comme celle du sens de la vie, puisque celle-ci est limitée ?

Léon Schwartzenberg, "Face à la détresse", Ed. Fayard, Paris, 1994.



[texte proposé par Ahmed]