09 février 2017

"Personne ne doit considérer comme inutile sa contribution à l’œuvre commune"


[Texte choisi par A.D]

Comment nous sauver et sauver notre civilisation ? Nous n’avons à attendre de secours que de nous-mêmes. Mais nous sommes incapables, dans l’état de division et de désarroi où nous sommes, de transformer immédiatement nos institutions, car la société moderne est une pesante construction, chargée de toutes les erreurs du passé. Nous n’avons, en ce moment, ni l’intelligence, ni la force d’édifier de toutes pièces un monde nouveau. Avant de rénover nos institutions, il faut nous rénover nous-mêmes ; or cet effort de rénovation, chacun peut le commencer immédiatement. Certes, il paraît absurde de croire que nous, tout petits, nous sommes capables d’effectuer la régénération de notre nation par un minuscule effort individuel ; car chacun ne peut contribuer à cette tâche que d’une manière infime. Mais un très faible effort, quand il est multiplié des millions de fois, devient irrésistible. Personne ne doit considérer comme inutile sa contribution à l’œuvre commune, quelque insignifiante qu’elle lui semble. (…)
Pour grandir de nouveau, l’humanité est obligée de se refaire. Et elle ne peut pas se refaire sans douleur ; car elle est à la fois le marbre et le sculpteur. C’est de sa propre substance qu’elle doit, à grands coups de marteau, faire voler les éclats afin de reprendre son vrai visage. Pour nous refaire, pour reprendre notre vrai visage, il n’y a pas d’autres moyens que d’obéir strictement aux lois de la vie, d’obéir à tous les préceptes de la vie rationnelle. Alors seulement, nous récupérerons notre force et la clarté de nos visions. Nous pourrons commencer la transformation de nos méthodes d’éducation, de nos habitudes de vie, de l’organisation du travail, de la construction des maisons, de la législation, du gouvernement. Ainsi se développera peu à peu un milieu social exactement adapté aux besoins véritables de l’homme (…).
Nos contemporains ne se rendent pas compte que tout est changé, que notre monde est mort, qu’un autre monde est en voie de formation. Ce monde sera ce que nous le ferons. Nous avons à choisir entre le chaos, la ruine, l’esclavage, d’une part ; et, d’autre part, le dur travail de la reconstruction de nous-mêmes ; entre la satisfaction de nos appétits et de nos caprices, et l’obéissance stricte aux règles de la conduite rationnelle de la vie ; finalement, entre le bien et le mal.


Alexis Carrel
, "Réflexions sur la conduite de la vie", Ed. Plon, Paris, 1951.
Sur Alexis Carrel un des tenants majeurs de l'eugénisme voir aussi ICI