31 mars 2017

De la culture Islamique

Le 27 mars, la Directrice générale de l'UNESCO, Irina Bokova, participait à la présentation de la collection «Les différents aspects de la culture Islamique», achevée en 2016 avec les deux derniers volumes, après des années de recherches intensives. Cette collection a rassemblé plus de 150 chercheurs du monde entier.
L'événement, organisé par le Centre d’études Islamiques d'Oxford au Royaume-Uni, a été ouvert par le Dr Farhan Nizami, fondateur-directeur du Centre d’études Islamiques. Dans son discours de bienvenue, le Dr Nizami, après avoir rappelé l'engagement de la directrice générale Bokova en faveur de la protection du patrimoine culturel, a mis l'accent sur «la nécessité d’avoir conscience de la contribution fondamentale que les sociétés islamiques ont apportée au monde».
[...]
«Cette collection témoigne du pouvoir du savoir et de la culture à rassembler les peuples dans la recherche de la vérité», a déclaré la Directrice générale, soulignant que cette collection unique rassemble des chercheurs musulmans et non musulmans de tous horizons et milieux. "Ceci envoie un message fort de respect et de compréhension mutuelle, facilitant le dialogue interculturel et interreligieux », a-t-elle déclaré.
Citant sa Majesté le Roi Abdullah Bin Abdulaziz Al Saud, qui a longtemps contribué à la promotion de la compréhension mutuelle, la Directrice générale a déclaré: «Les êtres humains ont été créés égaux et partenaires sur cette planète. Soit ils vivent ensemble dans la paix et l'harmonie soit ils seront inévitablement consommés par la haine, la vengeance et l’ignorance ».
« Cette déclaration n'a jamais été aussi juste », a-t-elle dit. « Lorsque les extrémistes cherchent à déformer la religion et à manipuler la foi pour répandre la haine et des préjugés, nous devons répondre par plus de savoir, plus de culture, plus de science. C'est le but de cette collection. »
L'événement a rassemblé des experts notoires des études islamiques, y compris les éditeurs et les auteurs des volumes, lors d'une table ronde sur le thème «Patrimoine commun et diversité culturelle dans les sociétés musulmanes: Comprendre le passé et construire l'avenir».
«Les différents aspects de la culture Islamique» est la dernière collection du Projet Histoires générales et régionales de l'UNESCO, un projet qui décloisonne les récits historiques et met l'accent sur les valeurs et les liens entre les populations à l'échelle régionale et mondiale.
Le Dr Abdulrahim Ali, rédacteur en chef du dernier volume de la collection, a félicité «l'UNESCO et le Centre d’études Islamiques d’Oxford pour avoir contribué ensemble au lancement de la collection et à la diffusion du message au cœur de ce projet unique » . «Ce travail commun noble et complexe a une grande valeur symbolique pour beaucoup», a-t-il ajouté.
Le professeur Marcia Hermansen, de l'Université de Loyola (Chicago, États-Unis), a concentré sa présentation sur le patrimoine commun et la diversité culturelle dans les sociétés musulmanes.
Elle a rappelé que « face à la théorie du choc des civilisations, développée par Samuel Huntington, l'UNESCO et les Nations Unies ont favorisé le dialogue des civilisations depuis le début des années 2000 ». Elle a appelé « à poursuivre la diffusion de cette collection, qui établit un précédent pour l'engagement intellectuel." «Ce travail humaniste doit être poursuivi», a-t-elle déclaré.
Le professeur Carole Hillenbrand, de l'Université St Andrews, a rappelé que «le terme patrimoine commun signifie une base de croyances partagée par tous les musulmans». «Comprendre le passé», a-t-elle dit, «c'est rappeler que l'islam est apparu d'abord comme une religion et comme une communauté». Il est malheureux, dit-elle, que «tant de réalisations musulmanes fussent plus connues à l'époque pré-moderne qu'aujourd'hui». Se référant à  l'Espagne musulmane et au concept de «convivencia», elle a rappelé que «la coexistence religieuse pacifique a existé pendant environ 300 ans, voire plus, entre l'islam, le judaïsme et le christianisme». Elle a souligné «l'urgence d'approfondir notre compréhension de la contribution de la culture islamique à l'histoire du monde, tout en évitant faire de la communauté toute entière des boucs émissaires pour quelques-uns de ses membres».

30 mars 2017

Pour présenter une proposition politique, Garaudy savait prendre de la hauteur (2/4). De l'individualisme à la communauté






Nous avons pris acte, d'abord, dans la première partie de ce travail,
de la faillite des espérances faustiennes de l'Occident et de sa
conception dévitalisante de l'homme, définie de façon lapidaire par
Descartes : « Je pense, donc je suis », qui réduit l'homme à l'individu
et l'esprit au concept.
Garaudy chez lui. Oct 1979. Photo J.A Pavlovsky/Sygma
Les sagesses et les prophétismes de trois mondes nous on fait prendre conscience, au contraire, que nous ne sommes pas un individu, un atome, un grain de poussière séparé de tous les autres par un vide et ballotté au hasard, ou selon d'implacables lois, par les souffles de l'air, mais que nous sommes semblables à une vague sans frontière, point unique et singulier de la mer, mais habité par toutes les vagues de l'océan, par toutes ses marées, et, à travers elles, par
toutes les attractions et les gravitations des mondes.
Tel est le fondement de la personne, qui n'est pas l'individu.
Comme diraient les physiciens en leur langage : l'individu est de
l'ordre du corpuscule et la personne de celui de l'onde. Nous n'en
avons pas encore saisi la mystérieuse unité. Pas plus que celle de
l'Orient et de l'Occident.
C'est pourtant là, sur le plan social et politique, le fondement de la
communauté. Elle n'est pas, comme dans la conception bourgeoise ou
anarchiste, une simple addition d'individus ; elle n'est pas, comme
dans la conception totalitaire, un organisme animal réduisant
l'homme à n'être qu'un fragment subordonné à un pouvoir extérieur à
lui, et faisant de lui un objet.
La communauté est cette société qui ne se fonde ni sur le « moi »
individuel ni sur le concept décharné. Elle ne part pas du « je pense »
mais du « nous aimons ». Ce n'est pas une collection d'individus
solitaires ou une hiérarchie de cellules biologiques n'ayant pas, par
elles-mêmes, de sens ni même de réalité, mais une communauté de
personnes où chacune s'épanouit par la richesse de ses relations avec
toutes les autres.
Par cette vision de l'homme, de la société et du monde, nous avons
pu passer, dans notre réflexion politique, de la technocratie au
prophétisme (c'est-à-dire du « comment » au « pourquoi »), de la
démocratie statistique au consensus sur un but commun (c'est-à-dire
de la délégation et de l'aliénation de pouvoir à l'autodétermination
des fins et à l'autogestion des moyens), en partant des deux
dimensions spécifiquement humaines de l'homme : la transcendance
de la foi et la communauté de l'amour.
Dans ce passage de l'individualisme à la communauté, la communauté
de base, en son inviolable autonomie, constitue l'unité nouvelle
indivisible, capable de créer le tissu social nouveau d'une société
proprement humaine comme fédération de communautés.
Ainsi avons-nous pu esquisser un « tableau économique » de la
France, qui ne soit plus la résultante de coalitions affrontées où l'on
appelle « Plan » l'absence de projet, inéluctable conséquence d'aveugles
rivalités et d'un rapport provisoire des forces. La nouvelle
croissance ne peut naître, au contraire, qu'à partir des besoins réels de
tout un peuple, et de l'appel fait à l'homme d'exaucer la prière de
Dieu.
Nous n'hésitons pas à chercher, en saint Grégoire de Nysse, cette
définition plénière de la croissance : « Dieu, écrit-il, c'est l'éternelle
découverte de l'éternelle croissance. »
Idem photo ci-dessus
Une nouvelle croissance fondée non plus sur les hiérarchies et les
soumissions mais sur une décentralisation de la production de l'énergie, et des techniques en général, sur la décentralisation du
pouvoir, de la consommation et de l'information, sur la décentralisation de la culture et de l'éducation ; cette nouvelle croissance n'enfantera plus ces monstres que sont, par exemple, la séparation du travail intellectuel et manuel, ou l'hypertrophie du tertiaire, au profit du parasitisme et de la bureaucratie et au détriment du travail
productif et créateur.

Roger Garaudy     
Extrait de la conclusion d' Appel aux vivants  (1979)   
                                            >>  A SUIVRE ICI >>

28 mars 2017

Pour présenter une proposition politique, Garaudy savait prendre de la hauteur (1/4)



[Conclusion de « Appel aux vivants » (extraits), Roger Garaudy, 1979. Ce livre a obtenu le Prix des Deux Magots et un gros succès de librairie, succès qui a donné naissance à l'Association Appel aux Vivants et à la candidature, finalement retirée, de Roger Garaudy à la Présidence de la république en 1981. J'en donne ici, en quatre publications, de larges extraits de la conclusion, non seulement pour le fond qui n'a pas pris une ride, mais aussi pour la forme qui montre comment ceux qui postulent aux plus hautes responsabilités devraient aborder leur présentation devant le peuple. NDLR]
Acheter le livre (édition poche)

Pourquoi […], pour aboutir à un programme politique concret, répondant aux interpellations les plus urgentes et les plus décisives d'aujourd'hui et aux appels du plus proche avenir, prendre le recul de 5 000 ans d'histoire et le détour d'un dialogue universel des civilisations ?
Seuls peuvent se poser cette question ceux qui entendent par « politique » exclusivement celle de politiciens empiristes ou technocrates, naviguant à vue, agissant au coup par coup, et attendant les désastres pour tenter d'y parer par des expédients techniques.
Mais quiconque embrasse maintenant d'un seul regard la trajectoire entière de la réflexion que nous venons de proposer dans ce livre peut
en apercevoir l'unité et donc saisir l'interdépendance nécessaire de
chacun de ses maillons : de la peinture Song à la politique nucléaire,
des hymnes védantins au rôle attribué à la vidéo, de la mystique
chrétienne et du soufisme à la théorie de la défense et de la dissuasion.
Ce n'est point un lien artificiel qui rattache la sensibilité à la
peinture Song à la politique énergétique du troisième millénaire.
Quand nous disons, à propos de la politique énergétique actuelle, que
l'homme ne peut se comporter à l'égard de la nature comme un
conquérant brutal, un maître rapace, ou un pirate chasseur de trésors
cachés pour s'emparer du charbon, du pétrole, de l'uranium, c'est-à-dire
des « stocks » d'énergie engrangés depuis des millions d'années
dans les entrailles de la terre, mais au contraire s'insérer dans le
« flux » inépuisable des énergies maternelles (celles du soleil, du vent
et des eaux), nous redécouvrons, à une étape nouvelle, le rapport
mystique avec la nature qui était celui du Tao.
Dans notre conception de la communauté et de son fondement
nécessaire en la transcendance de Dieu, nous retrouvons l'inspiration
du prophète de l'Islam, de son intransigeante affirmation de cette
transcendance, et — ne faisant qu'un bloc avec elle — sa conception
de la communauté, de la umma, où chaque institution sociale et
chaque geste de l'homme sont sacrés par leur rapport à Dieu, ou
profanes lorsqu'ils sont considérés, en eux-mêmes, indépendamment
de la réalité rayonnante de Dieu.
Notre conception de la non-violence découle d'une conception de la
force qui fut celle de tous les mystiques : la force la plus grande n'est
pas une composante d'un parallélogramme physique des forces. Elle
est ce « vide », au coeur de chaque être, qui, du Tao aux Upanishads,
et de Rumi à saint Jean de la Croix, est le moteur des mondes : être à
ce point vidé de toute chose que Dieu, en nous, occupe toute la place
et devienne le moteur immobile du devenir de l'univers entier.
Quant à notre conception des rapports entre le mysticisme, le
prophétisme et la politique, c'est l'une des plus exaltantes constantes
de l'histoire.
Les peintres de l'époque chinoise des Song, qui créèrent […]
 des paysages jouant le rôle de ce que sont pour nous les
« icônes » (l'évocation visible de la présence de Dieu), furent en
même temps des mystiques du Tao et du Zen, des poètes et des
hommes d'État.
La Bhagavad Gîtâ nous dit, en un indépassable poème, ce que peut
être la vie d'un mystique incarnée dans l'action, de la divine épopée de
Rama aux luttes de Gandhi.
Jésus de Nazareth, dans sa résistance inflexible au totalitarisme des
grands prêtres juifs et au totalitarisme de l'Empire romain, nous
révèle, à travers les aliénations de l'histoire, l'irrésistible sillage de
l'homme et de Dieu.
Le prophète de l'Islam a scellé l'unité profonde de la soumission à
Dieu et de l'appartenance à la communauté véritable de ceux qui
ont choisi de vivre et de combattre pour répandre le message
divin.
Joachim de Flore, ce moine calabrais du XIIIe  siècle, à partir de sa
conception de la Trinité scandant les âges de l'histoire, est devenu le
père de toute la tradition révolutionnaire en Europe, de Jan Hus à
Thomas Münzer et à Karl Marx.
Saint François d'Assise a marqué ce moment de fracture et de
renouvellement de l'Église, en allant, au-delà des monastères implantés
dans le monde paysan, à la rencontre du peuple nouveau des villes,
tout comme il vint, en pleine croisade, rencontrer le sultan Abd el-
Malek.
Pour qui aperçoit cette trajectoire dans son unité profonde, et la
nécessaire harmonie de la dimension prophétique et de la dimension
politique dans la vie de tout homme et de chaque homme, ce qui
apparaissait comme un paradoxe devient une évidence.
Notre unique souci a été de découvrir ce point central de notre vie
où l'acte de création artistique, l'acte de foi et l'acte politique, au sens
le plus noble du mot, ne font qu'un.
Car de là seulement se découvrent dans leur juste perspective la
plénitude et l'unité du panorama de l'histoire déjà faite et de l'avenir à
inventer, du monde extérieur et de la vie, de l'humain et du divin : au
point unique de jaillissement de l'acte proprement humain de
l'homme, l'acte créateur d'avenir et l'acte d'amour avec la totalité du
réel.
De là seulement nous pouvons prendre conscience de la possibilité
d'une rupture avec l'ordre existant des hommes et des choses, et c'est
l'irruption en nous de ce surcroît de force et de vie, qui est la
transcendance.
De là seulement nous pouvons prendre conscience de cette certitude
que nous nous sauverons tous ensemble ou que nous nous
perdrons tous ensemble, et c'est l'irruption de cette vie nouvelle où
nous sentons danser en nous toutes les forces de l'univers, où nous
sentons vivre en nous la vie de tous les hommes, l'irruption en nous de
ce surcroît de force et de vie qu'est la communauté.
De là seulement devient possible, dans un jugement serein et
lucide, de confronter toute réalité et toute institution à sa propre fin,
ce qui est union indivisible du prophétisme et de la politique, ce qui
est naissance, en chacun de nous, du pouvoir de participer à part
entière à l'immense mutation du monde.

25 mars 2017

Garaudy poète

A contre-nuit , poème par Roger Garaudy est paru en 1988. Nous publions ici le texte accompagnant le bulletin de souscription.




Roger GARAUDY lance ce nouvel «APPEL AUX
VIVANTS».

Sa poésie n'est pas seulement une manière d'écrire
mais une manière de vivre. De vivre haut. L'épopée
humaine se joue toute entière en chacun de nous : ne
faire qu'un avec le tout. Participer à la création continuée
du monde. Conjuguer le Verbe «Dieu».
Livre rare
Acheter ici ou ici
Dire «Dieu» est ce pari: la vie a un sens.
Déchiffrer 

ce sens dans l'arbre et dans la pierre, dans les livres sacrés et les arts.

Le poète désigne ce qui ne peut être saisi par les idées et les mots:
l'amour, la beauté, la foi.

Il en communique la vie comme il l'a vécue: «à contre-nuit», à hauteur de rêve, à travers les combats, les contradictions, l'espérance.

Vivre les choses sans les dire. Comme le cri éveille l'écho.

«A contre-nuit

j'ai refusé les routes de la plaine,

à contre-nuit

la transparence des destins. »

(Roger Garaudy, A contre-nuit, Editions de l'Aire)